« De-ci, de-là, sur les surfaces tranquilles, des taches d’écume apparaissent, disparaissent, sans jamais s’attarder longtemps. Il en est de même des hommes ici-bas et de leurs habitations (…) Les uns meurent un matin, qui sont remplacés le soir par de nouvelles naissances. Exactement comme l’écume qui paraît et disparaît sur l’eau. Et ces hommes qui naissent et meurent, d’où viennent-ils, où vont-ils ? Nous l’ignorons.
Toute sagesse dit : le temps est un fleuve. Mais, en réalité, personne ne se tient jamais sur le berge des mondes pour en contempler le cours. Tout lestés d’eux-mêmes, les corps flottent dans l’épaisseur qui les étouffe, entourés d’une lumière bleutée de néons, passant entre deux lignes de néant, sans rien savoir du remuement vert et gris qui les balance, et les porte vers nulle part. Le fleuve du temps est sorti de son lit pour recouvrir le cercle sans couture de l’horizon. Il déverse partout sa matière opaque sur les hommes et les noie.
comme le poisson – ignorant de l’océan – l’homme dans le temps »
Sarinagara, Philippe Forest / Peinture : Automat, Edward Hopper